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Dépêche n°105892

Paris, Lundi 08 décembre 2008 , 16:32:42

Anne Mascret

Ligne directe : 01 53 10 09 84

Domaine :

Enseignement scolaire - Jeunesse

Rubriquage :

Analyse - Expertise - Personnels

Élections professionnelles: "le Snuipp-FSU est le syndicat qui réussit le mieux à équilibrer revendication et proposition" (André Robert, sociologue)

André Robert, professeur en sciences de l'éducation à l'université Lyon-II

André Robert, professeur en sciences de l'éducation à l'université Lyon-II

D.R.

Hausse de la participation, progrès de deux points du Snuipp-FSU au détriment des syndicats réformistes du premier degré, léger recul du Snes-FSU: André Robert, sociologue à l'université Lyon-II et spécialiste du syndicalisme enseignant, analyse pour l'AEF les résultats des élections professionnelles du 2 décembre 2008.

L'AEF:
Le premier enseignement de cette élection est la remontée du taux de participation, de deux points dans le premier degré, trois dans le second degré (L'AEF n°105757). Comment l'interprétez-vous?

André Robert: La participation était l'un des enjeux majeurs de ce scrutin. Elle remonte alors qu'elle était en baisse continue depuis une dizaine d'années, ce qui est très positif pour le syndicalisme enseignant. Cela montre à la fois l'attachement des enseignants au paritarisme et constitue une réponse aux attaques répétées du ministre à l'égard des syndicats. En même temps, il s'agit d'un message paradoxal, en ce sens que les enseignants votent en masse pour leurs syndicats sans toutefois y adhérer. On a aujourd'hui entre 25 et 30% d'enseignants syndiqués contre 40% il y a 15 ans et plus de 50% il y a 30 ans! Tendanciellement, on peut se demander si l'on ne s'oriente pas vers un "syndicalisme sans adhérents", même si cela n'est pas souhaitable.

L'AEF: Que pensez-vous dans ce contexte, de la volonté du ministère de reprendre la main sur les mutations des enseignants, jusqu'ici "chasse gardée" des syndicats?

André Robert: L'augmentation de la participation et le maintien des positions sont une réponse claire des enseignants qui voient à juste titre cette tentative de reprise en main comme une menace. Du point de vue de la démocratie et du civisme, il ne me semble pas dénué de sens que les questions de mutations et de carrières soient traitées en commission paritaire. Le syndicalisme a aussi pour fonction de rendre des services, ce n'est pas une tare, cela fait partie de ses missions originaires.

L'AEF: Autre fait remarquable de ce scrutin: le Snuipp-FSU gagne deux points et un siège dans le premier degré, au détriment du Sgen-CFDT et du SE-Unsa. Comment l'expliquez-vous?

André Robert: Parmi les syndicats de la FSU, le Snuipp-FSU est celui qui réussit le mieux à équilibrer les deux fonctions du syndicalisme: le défensif et le "propositif". Cette organisation défend des revendications, sans toutefois négliger les questions de métier voire l'innovation, comme en témoigne l'effervescence pédagogique que l'on retrouve dans ses universités d'automne ou dans le bulletin "Fenêtres sur cours". Le Snuipp-FSU est un syndicat proche de la recherche, avec des cadres relativement jeunes et une orientation générale moderne. C'est en tous cas l'image qu'il a auprès de la profession. Le SE-Unsa et le Sgen-CFDT perdent du terrain du fait de la difficulté de leur positionnement: les enseignants les perçoivent comme trop exclusivement dans la proposition, au détriment de ce que la profession veut maintenir de l'existant. Ils apparaissent malgré eux trop proche du ministère.

L'AEF: Quelle est votre analyse du vote dans le second degré?

André Robert: Globalement, les équilibres sont conservés et les variations mineures. Tout en restant largement majoritaire, le Snes-FSU [-1,2 point] pâtit sans doute de sa position d'institution. Contrairement au Snuipp-FSU, c'est le côté corporatiste qui tend à l'emporter sur le pédagogique dans ce syndicat du second degré. On peut penser notamment que le Snes-FSU paye l'ambiguïté de sa position sur la réforme du lycée, choisissant de signer le texte de convergences puis de quitter très tôt la table des négociations (L'AEF n°102642). Mais encore une fois, le recul se situe à la marge.

L'AEF: Que pensez-vous de la "méthode" du ministre actuel qui est de faire signer un protocole de discussions aux syndicats puis d'engager des négociations?

André Robert: C'est assez habile de sa part car cette méthode procède en affichage d'une démarche démocratique. Il sait que les mentalités contemporaines ne sont pas spontanément favorables au déclenchement du conflit avant le dialogue. Le ministre aura su saisir l'air du temps. Mais à l'inverse, son discours sur la prétendue "ringardise" des syndicats ne passe pas. Preuve en est faite aujourd'hui. Les enseignants ne sont pas prêts à se laisser faire par ce ministre qui, pour la première fois, applique un véritable agenda néolibéral dans l'éducation.

Contact: Lyon-II, André Robert, sociologue, andre.robert@univ-lyon2.fr, andred-robert.over-blog.com

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